
La longue histoire de la sylviculture
12 mai 2025La sylviculture, cela vous dit quelque chose ? La sylviculture, c’est la culture de la forêt, ou toutes les interventions du forestier pour produire du bois de manière durable en tenant compte de l’ensemble des enjeux environnementaux et sociaux. Avec les enjeux actuels liés aux changements climatiques, on pourrait penser que la sylviculture est une pratique récente. Pourtant, elle prend ses racines dans des pratiques souvent anciennes. Découvrez dans cet article la longue histoire de la sylviculture.
Au temps de l’Antiquité, les forêts occupaient une place bien différente d’aujourd’hui. Immenses, mystérieuses et peu explorées, les forêts étaient considérées comme des lieux de culte plutôt que des espaces d’exploitation. Un tournant s’opère avec l’Empire Romain, la gestion des forêts devient une pratique plus réfléchie et des méthodes précises de rotations sont pensées pour organiser les coupes en fonction des essences et de la richesse des sols.
Au fil des siècles, la pression démographique bouleverse les équilibres. Entre le début de notre ère et la fin du 18e siècle, la population française quadruple tandis que les rendements agricoles stagnent. Pour réussir à nourrir toute la population, des défrichements réguliers sont organisés. Les surfaces boisées chutent alors drastiquement, ne couvrant plus qu’environ 15% du territoire après la Révolution. À cela s’ajoute l’augmentation de la demande en bois pour chauffer, construire, alimenter les différentes usines, fabriquer les navires… La pression s’accroît et les tentatives de réglementation n’ont que peu de poids face aux besoins des populations.

C’est pour pallier cette pression que la sylviculture rentre en jeu. L’objectif de cette pratique est de mieux gérer les forêts pour qu’elles produisent durablement, en qualité et quantité suffisantes.
Au Moyen-Âge, certaines forêts royales sont exploitées sous forme de taillis. Les taillis consistent à couper régulièrement les repousses des souches pour produire du bois de feu. À partir du 14e siècle, les taillis deviennent des taillis-sous-futaie, qui combine les petits rejets et les arbres plus grands laissés pour l’avenir. Cette technique permet de produire du bois de feu et du bois d’œuvre.
Dès le 13e siècle, une administration spécialisée encadre les pratiques autour des forêts. Le titre de « Maître des Eaux et Forêts » apparaît en 1219 et de nombreux textes vont encadrer la gestion des bois et poser les bases du droit forestier. Le plus célèbre d’entre eux, l’Ordonnance de 1669, signé par Louis XIV et orchestré par Colbert avec la participation de forestiers comme Louis de Froidour, deviendra pendant plus d’un siècle la référence en matière de gestion forestière. Cependant, cette ordonnance, qui représente davantage un modèle de code forestier, reste encore imprécise sur les techniques de sylviculture.
Il faut attendre le 18e siècle pour qu’émerge une véritable réflexion scientifique sur la forêt. Ce sont des naturalistes tels que Réaumur, Buffon et surtout Duhamel du Monceau, considéré comme le père de la sylviculture, qui posent les bases d’une nouvelle approche. Avec l’aide de forestiers comme Varennes de Fenille, ils observent, expérimentent et diffusent leurs conclusions. Ils démontrent notamment que couper les arbres à 30 ou 40 ans est plus judicieux au regard des besoins de la société. Leur principale découverte porte sur l’intérêt des éclaircies : en éliminant progressivement certains arbres, on permet aux plus beaux spécimens de pleinement se développer. Ces avancées ouvrant la voie à une véritable révolution, celle d’une gestion raisonnée de la forêt, où l’homme n’épuise pas la nature mais l’accompagne dans sa croissance.