
Le parc du campus de Nancy
01 juillet 2025Plongez au cœur du parc de l’École forestière de Nancy et partez à la rencontre de ses nombreux habitants. Leurs histoires et secrets vous seront contés par le doyen du parc, un majestueux platane témoin des évolutions du terrains depuis 1752.
Bienvenue dans mon domaine, le parc de l’École forestière de Nancy ! Enraciné en ce lieu vers 1752, sous le règne de Stanislas, dernier duc de Lorraine et beau-père de Louis XV, j’en suis aujourd’hui le doyen. Et en toute modestie, j’en suis aussi l’habitant le plus remarquable, par ma stature majestueuse et ma cime à plus de 40 mètres qui domine tout, arbres et bâtiments. Avouez que pour un descendant d’étrangers venus du Sud de l’Europe, c’est une belle réussite, non ? Car je suis un platane… enfin, je veux dire : LE platane de l’École forestière de Nancy, école que j’ai vu naître quand j’étais encore tout jeune, je venais juste de fêter mes 70 ans, ha ha ha !
Cela vous étonne peut-être qu’un platane ait été choisi pour trôner ainsi au cœur de l’École forestière, sachant que nous ne fréquentons pas du tout les forêts françaises ? Eh bien c’est comme ça : les humains nous ont installés dans les parcs et un peu partout en ville, ou en bord de route, car ils apprécient notre adaptabilité aux rudes conditions de la vie urbaine : le bitume, qui restreint l’accès des racines à l’eau et aux vivres, la pollution, qui endommage les feuilles, les tailles brutales, qui blessent et défigurent… Pour ma part, j’ai une sacrée veine d’avoir été planté là, dans ce beau parc, avec du sol et de l’espace pour m’étaler à mon aise. J’y suis bien et cela se voit : je pète la forme !
Bon, je cause, je cause, mais au fait, j’espère que ça vous intéresse ? Dites-moi franchement : vous aimez les histoires d’arbres ? Oui ? Vrai de vrai ? Alors laissez-moi vous présenter quelques compagnons du parc, témoins avec moi de la longue histoire de cette école.

Honneur aux plus anciens : les presque bicentenaires, plantés peu après la création de l’École. Deux d’entre eux, un tilleul et un tulipier de Virginie, ont eu la malchance d’être plantés un peu trop près de moi. En grandissant, j’ai étalé ma cime au-dessus d’eux, si bien qu’ils ont dû apprendre à pousser cambrés, étirant leurs branches loin de moi, à la recherche de davantage de lumière. Eh oui, la loi de la jungle s’applique aussi dans les parcs ! Observez les silhouettes d’arbres proches voisins en vous y promenant, et vous verrez que sous nos apparences pacifiques, nous ne nous faisons pas de cadeau pour le partage de la lumière. Curieusement, mon ombre ne semble guère gêner un muscadier de Californie centenaire, qui pousse tranquillement sous mes branches. Seulement voilà : ce cousin de notre if a des aiguilles très tolérantes à l’ombre, et pour sa croissance, il assume sereinement la devise : chi va piano, va sano.
J’aurais aimé vous présenter un autre quasi-bicentenaire : le hêtre pourpre, qui, jusqu’à l’an dernier, semblait être le plus costaud des anciens, par sa grande taille, son port bien droit et son feuillage dense, qui tenait ses voisins en respect. Hélas, le hêtre supporte mal les sècheresses, c’est son talon d’Achille, et celles de 2022 et 2023 lui ont sans doute été fatales. Sa disparition laisse un grand vide, dans lequel a été planté un jeune caryer, un cousin américain de notre noyer, qu’on espère plus résistant au réchauffement climatique. Et peut-être aussi que ce vide permettra à deux proches voisins du hêtre de se relancer dans la vie : un ginkgo du même âge, qui ne survivait que par une cime étriquée dépassant celle de son voisin, et un vieux hêtre tortillard de taille naine, qui avait perdu les 3/4 de son feuillage sous l’ombre de son grand ainé. A propos du ginkgo, il faut signaler que son feuillage très réduit est en partie dû à la tempête Lothar, qui lui arracha la moitié de sa cime en décembre 1999. Heureusement que cette espèce rustique résiste bien aux blessures, ainsi qu’à la pollution.


Il ne vous a pas échappé que nous sommes en hiver, et que cela permet de bien distinguer nos amis les résineux. Leur plantation a été très en vogue depuis la fin du XIXe siècle, qui vit l’installation du pin laricio de Corse, de l’if et du cèdre blanc de Californie, jusqu’à l’année 1975, qui vit arriver les deux petits derniers : un cèdre de l’Atlas et un cyprès de Lawson, originaire d’Amérique.
Comme vous l’avez sans doute remarqué, nous formons une communauté très diverse, mélange d’espèces des forêts françaises et d’espèces exotiques, originaires d’Europe du sud, d’Asie et d’Amérique du nord. Parmi nos indigènes les plus âgés, les méridionaux tiennent une bonne place, tels le chêne pubescent, arbre roi de la trufficulture, l’érable à feuilles d’obier, annonceur du printemps car toujours en tête pour le débourrement des feuilles, et le frêne à feuilles étroites qui, à l’inverse, étale ses feuilles après tout le monde. Parmi mes vieux camarades d’Europe du sud et d’Asie mineure, j’ai plaisir à vous présenter Parrotia persica, alias l’arbre de fer en raison de son bois très dur, ainsi que le noisetier de Byzance qui est le plus grand de tous les noisetiers (et je signale à l’intention des gourmands que cela se retrouve dans la taille des noisettes), et enfin le chêne du Liban, qui défie les lois de la pesanteur en étant incroyablement penché, menaçant de s’effondrer mais tenant bon.




Voilà, j’en ai fini avec ma petite présentation, très partielle, des arbres du parc d’AgroParisTech à Nancy. Vous l’avez compris, notre communauté offre une très grande diversité des âges, des espèces et des régions d’origine, mais aussi des formes, des floraisons, des couleurs de feuille en automne, et des ressources comestibles pour les oiseaux, les écureuils et toute la faune. Et bien sûr, rien de tout cela n’est figé : nous continuons de pousser (en toute discrétion), certains meurent, c’est la vie, et des jeunes nous rejoignent. Sans aucun doute, il se produira beaucoup de changements d’ici le tricentenaire de l’École, mais sauf accident majeur, vous pourrez compter sur moi pour être toujours là, et vous raconter la suite de l’histoire.
L’audio a été enregistré au cours de l’hiver, les photos ont été prises à la même période.